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Le clean label, favoriser des produits plus équilibrés – Interview d’AGIR 3/4

Cette interview fait suite à deux échanges que nous avons eu avec Mathieu (Responsable de l’Unité Recherche d’AGIR) et Martine (Directrice d’AGIR) sur la définition du concept clean label et la reformulation de produits sans additifs. Imaginer des produits plus équilibrés avec moins de gras et/ou moins de sucres fait partie des défis du clean label.

Dans un contexte de crise mondiale de l’obésité, l’amélioration du profil nutritionnel de ces types de produit semble être un enjeu de taille. Les secteurs d’activité de la biscuiterie, pâtisserie et chocolaterie ont parfois mauvaises côtes auprès des consommateurs qui cherchent à avoir une alimentation de plus en plus équilibrée. On pointe du doigt notamment la teneur en sucre et en graisse de ces produits.

L’industrie du biscuit a été victime de « sugar bashing » avec une baisse de volumes récente et un déficit d’innovations. Quels sont les rôles de ces composés dans la formulation de ces produits ?

Mathieu : Le sucre c’est avant tout le goût et donc la notion de plaisir, la texture, l’onctuosité ou au contraire, le craquant, la conservation, la couleur des produits…Le substituer nécessite de trouver un nouvel équilibre de la formulation tout en maintenant l’acceptabilité du produit pour le consommateur.

Martine : Il y a deux cas de figure. Celui où l’on souhaite substituer intégralement ou en grande partie le sucre dans le produit. Lorsque le produit est à la base composé en grande majorité de sucres, la reformulation devient extrême avec une mise en œuvre d’édulcorants qui ont pour rôle de remplacer la masse de sucre et ses autres fonctionnalités comme le goût auquel on l’associe. Cela peut se justifier pour des diabétiques, des régimes hypocaloriques, des produits ne provoquant pas de caries dentaires… Le deuxième cas de figure est de « retoucher » la teneur en sucre du produit.

Il est possible de les retravailler en diminuant la quantité de sucre sans avoir à ajouter des additifs. Il faut rééduquer les palais pour éviter le rejet du consommateur et cela commence dès le plus jeune âge mais cela nécessitera aussi de mieux maîtriser sa consommation (moments et fréquence de consommation, quantités…).

L’OMS recommande de diminuer son apport en sucres libres à moins de 10% de l’apport énergétique totale. Quels sont les défis de la reformulation des produits moins sucrés ?

Mathieu et Martine : Le problème c’est que l’on veut du moins sucré mais on veut aussi que ça ait le même gout et sans additifs… Il faut faire comprendre au consommateur qu’on ne peut pas tout avoir. Certains industriels commercialisent leurs produits en baissant très progressivement les quantités de sucre habituant ainsi en douceur les consommateurs à ces nouvelles teneurs en sucre.

Au-delà de l’attrait du consommateur pour ces produits moins sucrés, la taxe sur le sucre par exemple pour les sodas est sûrement un deuxième élément moteur.

Mathieu : Baisser la teneur en sucre en maintenant le goût est un réel enjeu. ABCD nutrition, comme de nombreux industriels, sont sensibles aux attentes de leurs clients : nous les avons accompagnés à l’occasion d’un projet de recherche collaboratif sur des produits innovants allégés en sucres et en matière grasse via des approches innovantes. Pendant la phase de développement de ces produits, nous avons travaillé avec un de nos partenaires spécialisé dans l’analyse sensorielle. Nous nous sommes rendus compte dans le cas de nos produits que diminuer de 30% leur teneur en sucres du produit ne provoque pas de rejet chez le consommateur, mais au-delà, l’altération du gout devient trop importante.

Cette tendance à diminuer ou supprimer les sucres génère par ailleurs des craintes. En début d’année, AGIR a été contacté pour participer à une table ronde lors de l’assemblée générale d’un gros fournisseur de sucre. Leur inquiétude était liée au changement de perception du consommateur vis-à-vis du sucre mais aussi à une étude récemment parue qui montre que le sucre est addictif. Nous leur avons dit objectivement que : « le gras est, certes le vecteur de gout mais que le sucre c’est le gout ».  Le sucre est et restera un ingrédient de base, il y aura toujours des produits sucrés même si notre consommation devra évoluer et que l’offre sera orientée vers des produits moins sucrés.

Martine : Cela est d’autant plus vrai que certaines entreprises sont sur un positionnement de produits gourmands. Un chocolat est gras et sucré par nature même, le tout c’est de ne pas en consommer de façon excessive. On trouve par ailleurs sur le marché du chocolat 99% cacao ou des chocolats diététiques, mais ces produits restent destinés à une certaine cible consommateur.

Mathieu : De façon générale, la demande est énorme en termes de diversité de produit, l’offre s’est grandement élargie.

La problématique sucre en boulangerie est différente, il s’agit de produits artisanaux, ils y sont sensibles mais ils sont moins confrontés à la gestion de la conservation du produit comme en GMS et les produits restent plus traditionnels.

ABCD Nutrition groupe a investi 13 millions d’euros pour réindustrialiser un site agroalimentaire et y fabriquer des produits sans gluten, pourtant on dit que le sans gluten est de moins en moins tendance, alors que le sans sucre est de plus en plus attirant pour les consommateurs. Est-ce que vous vous attendez à une industrialisation du sans sucres ? Quelles sont les conditions requises ?

Martine : Au départ le sans gluten était destiné à des personnes atteintes de la maladie cœliaque, ou aux intolérants au gluten. Aujourd’hui il y a une très large gamme de produits élaborés et bons ! Des consommateurs non concernés par ces pathologies en achètent. C’est un nouveau régime tendance ! Techniquement, il y a plusieurs verrous. Les farines ne contenant pas de gluten ont souvent des goûts typés, il faut donc trouver les bonnes associations. Les pâtes de produits sans gluten n’ont pas la même texture nécessitant parfois l’emploi d’additifs. Ces produits sont par ailleurs contrôlés car il y a un vrai risque allergène donc l’industriel doit aussi bien maîtriser sa formulation que ses approvisionnements et ses productions pour éviter par exemple des contaminations croisées. Pour ce faire, on comprend que certaines entreprises comme ABCD Nutrition que vous avez cité aient dédié des ateliers à ces fabrications sensibles.

Bien que la demande existe, globalement le boom est aujourd’hui clairement plus orienté vers le clean label que  vers le sans gluten.

Pour moi, l’industrialisation du sans sucres existe déjà. Prenons l’exemple des boissons où la gamme de boissons zéro et light est très large… En boisson il y a presque autant de sans sucres que de produits traditionnels en jouant sur les additifs pour avoir des goûts différents

Selon Ulrick & short, fournisseur d’ingrédients clean label, les boulangers vont être capables de diminuer de 25% la teneur en matière grasse de leur produit. Quelles solutions existent-ils selon vous afin de proposer des produits moins gras aux consommateurs ?

Mathieu : C’est aussi compliqué de supprimer le gras que de supprimer le sucre. Le gras est exhausteur de gout, il apporte aussi le fondant en bouche d’une pâte à tartiner ou le moelleux de gâteaux… Quelles solutions ? Il y a des fibres qui permettent d’abaisser la teneur en matière grasse. Le process peut aussi venir au secours de la formulation lorsque la matrice s’y prête avec l’enjeu de mettre moins de matière grasse sans en altérer la perception. AGIR y travaille depuis plusieurs années. Certains produits dont la teneur en sucre a été abaissée, voient leur teneur en matière grasse augmentée générant des produits à valeur calorique similaire. Une limite est alors atteinte si ce produit est destiné à un régime hypocalorique.

Et qu’en est-il de surfer sur le type de gras ?

Martine : On peut jouer aussi sur le type de matière grasse pour un meilleur profil nutritionnel, mais cela est souvent source de problématiques de texture. Selon le type de matière grasse employée la machinabilité de la pâte (verrou technologique), le gout (verrou sensoriel), mais aussi le rancissement du produit peuvent être affectés (verrou sensoriel et sanitaire). Il n’est jamais simple de remplacer le beurre, le palme etc.

Mathieu : Il faut pouvoir mettre au point un produit avec un prix acceptable, et pouvoir faire face aux différents verrous. Certaines huiles préférables aux matières grasses concrètes pour la santé peuvent s’oxyder, mal vieillir : l’huile de colza peut donner un gout de chou par exemple.

Lorsqu’on accompagne les industriels, on s’adapte à la demande des industriels. Chaque client a sa propre matrice, sa propre recette. C’est un jeu de funambule au quotidien.

Qu’est-ce qui attire le consommateur selon vous dans les biscuits, les pâtisseries ou les chocolats ?

Martine : Les BVP c’est le gout, le visuel, le plaisir, ou encore des produits rattachés à des souvenirs d’enfance chargés d’émotions. Chacun a sa madeleine de Proust.

Mathieu : C’est le moment détente, son instant à soi qui fait oublier les petits tracas du quotidien. Qui plus est, c’est aussi une question de traditions, les viennoiseries et pâtisseries françaises font partie du patrimoine.

Pour continuer à en savoir plus sur les enjeux en agroalimentaire en lien avec la tendance clean label, nous avons décidé de poser plus de questions à Martine et Mathieu sur la mise en place de procédé de transformation plus simple pour plus de transparence auprès du consommateur.

Une interview de :
AGIR (Agro-Alimentaire Innovation Recherche), situé à Talence près de Bordeaux au service des industriels : Pour qu’innovation rime avec solutions…

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