Anthony Berthou est un nutritionniste spécialisé en micronutrition et en santé-sport. L’équipe Culture Nutrition a eu un entretien avec lui pour parler de sa plateforme « La santé par la nutrition ». A l’heure de la digitalisation, elle met à disposition de tous, et notamment des professionnels de santé, des articles et des vidéos sur plusieurs thématiques de la nutrition, de la santé et du sport. Pour en savoir plus, c’est par ici ↓ .
Pourquoi avoir décidé de développer la plateforme « La santé par la nutrition » ?
A la suite des conférences que je donnais, de nombreuses personnes souhaitaient obtenir des informations complémentaires, aller plus loin dans la découverte de la nutrition. J’ai donc commencé à écrire des articles et à les publier. Par ailleurs, face à la cacophonie nutritionnelle, j’ai souhaité apporter une information vulgarisée mais validée répondant aux enjeux nutritionnels et environnementaux. C’est ainsi qu’est née « La Santé par la Nutrition » !
En quelques mots, quel est l’objectif de cette plateforme ? Quelle en est sa spécificité ?
J’ai souhaité proposer à travers les articles une information vulgarisée, mais toujours fondée sur des données validées et confortées par la littérature scientifique. Une partie importante du contenu est dédiée à la nutrition sportive car il s’agit de mon cœur de compétences initiales, mais également à l’environnement et à la prévention des maladies dites « de civilisation ». Je traite également des sujets d’actualité comme l’hypersensibilité au gluten ou l’intérêt des compléments alimentaires en proposant deux grilles de lecture, une simplifiée et une plus détaillée pour ceux qui souhaitent explorer le sujet à partir de la littérature récente. L’objectif est avant tout de permettre aux lecteurs de trouver des informations claires et fiables parmi la cacophonie nutritionnelle ambiante. Mais aussi de les aider à prendre conscience des enjeux environnementaux liés à la nutrition.
Quel est, selon vous, l’enjeu majeur de l’alimentation aujourd’hui ?
C’est, à titre personnel, en enseignant les enjeux mondiaux de l’alimentation 2050 à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne que j’ai vraiment pris conscience du rôle central de l’alimentation vis à vis de cet enjeu majeur qui nous concerne tous, avant tous les autres. C’est désormais ma priorité principale, avant la nutrition simplement, car il s’agit de notre priorité à tous. Sans un écosystème et une biodiversité adaptés, les problématiques du diabète ou de la maladie de Parkinson par exemple, risquent vite de devenir secondaires (à mon grand regret bien entendu). Je parle donc aujourd’hui davantage de « santé par la nutrition et pour l’environnement » et de Nutrition Positive, en apportant un regard holistique autour des rôles de l’alimentation.
Alors que l’alimentation joue un rôle central dans notre quotidien, comment se fait-il qu’il soit si difficile de trouver des informations fiables et non biaisées à ce sujet ?
Il existe en effet une véritable cacophonie pour plusieurs raisons à mon sens.
- La première est la prise de conscience croissante de l’importance de l’alimentation sur la santé et l’environnement. C’est un point positif en soi. Malheureusement, face à la multitude d’informations disponibles dans les médias, elles finissent par être perdues.
- Un second point est bien évidemment la puissance des lobbys et de l’influence de l’industrie agro-alimentaire sur les messages nutritionnels à travers des démarches marketing subtiles. Sans compter sur leur présence dans la littérature scientifique pour tenter d’orienter certaines conclusions. Je le constate d’autant plus que je collabore avec Yuka depuis leur début en tant que nutritionniste et référent scientifique pour eux.
- Le troisième est l’actualité nutritionnelle et scientifique particulièrement riche ces dernières années. Les connaissances évoluent rapidement et c’est passionnant, au risque toutefois de générer des informations pouvant apparaître contradictoires selon leur niveau d’actualisation. Un exemple caractéristique est le microbiote ou encore l’épigénétique. Nous découvrons que nous ne savons pas grand-chose, pour ne pas dire rien ! Je pourrais rajouter une spécificité française, à savoir le manque d’homogénéité dans les formations en diététique et nutrition. Ainsi, comment voulez-vous qu’une personne, commençant à s’intéresser à la nutrition, s’y retrouve sans un accompagnement de qualité ?
Pourquoi avoir choisi de développer une plateforme pour digitaliser les connaissances en nutrition plutôt que d’opter pour des conférences ou des ateliers ouverts au public ?
En lien avec ma réponse précédente, les deux sont proposés car je continue à donner des conférences et des formations professionnelles au-delà de l’université. Ce sont deux approches complémentaires et touchant un public parfois différent. Rien ne remplace à mon sens le contact humain. Malheureusement, il n’est pas systématiquement possible, la digitalisation offre ainsi un compromis et permet un accès facilité et plus large à l’information.
Pensez-vous que l’utilisation gratuite de votre plateforme peut remplacer le contact et les conseils d’un professionnel de la santé ?
En aucun cas ! En tout cas ce n’est pas mon objectif, bien au contraire. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’ai développé mon propre cursus de formation destiné aux professionnels de la santé (médicaux et paramédicaux), de la nutrition et du sport. C’est en formant des professionnels que je peux ensuite les considérer comme des personnes référentes potentielles lorsque j’ai des demandes de conseils individualisées car je ne peux malheureusement pas répondre à toutes les sollicitations.
A termes, comment voyez-vous l’évolution de cette plateforme ?
Je propose depuis peu une nouvelle plateforme dédiée aux personnes souhaitant aller plus loin dans leur démarche nutritionnelle. Il s’agit d’un projet faisant suite à de nombreuses demandes, issues autant du grand public que des professionnels de la santé. Il s’agit de la plateforme evonutri.fr hébergeant l’Académie de la Nutrition Positive, dans laquelle je propose des programmes vidéo pour le grand public. Très prochainement du e-learning pour les professionnels sera également proposé. Un algorithme d’aide au diagnostic nutritionnel est en ligne, à destination des professionnels et une version plus simple sera disponible également prochainement pour tous les publics. Je propose enfin de nombreux ebooks dédiés à toutes les populations (santé, sport, flexitarien, vegan, femmes enceintes, minceur, etc.).
Le grand public est, dans sa majorité, désinformé sur des sujets quotidiens tels que l’alimentation et la nutrition. Pensez-vous que l’école devrait jouer un rôle dans cet apprentissage ? Si oui, pensez-vous que l’école joue et rempli déjà son rôle ?
Bien sûr que l’école doit jouer son rôle ! Autant que l’éducation parentale. A mon sens, non elle ne le joue pas suffisamment. C’est pourtant un point essentiel pour évoluer vers une alimentation respectueuse de la santé du plus grand nombre, si ce n’est le point déterminant. La situation évolue, c’est positif, mais le travail est encore bien long.
Pouvez-vous développer votre vision de l’action que devrait avoir l’école sur l’éducation nutritionnelle des enfants ?
Au même titre que pour l’orthographe ou les mathématiques, nous devrions apprendre à nos enfants les fondamentaux de la nutrition mais aussi et surtout de l’alimentation, voire de l’agriculture. Apprendre d’où viennent les aliments, à cultiver son potager, à cuisiner, à prendre du plaisir par l’apprentissage autour de l’alimentation. Nous ne sommes pas ce que nous mangeons mais ce que nous décidons de manger, c’est ce que nous devons inculquer à nos enfants, par le plaisir et l’ouverture.
Cet article a été rédigé avec l’aide de Léa Taby, assistante chef de projet du Pôle Food. Merci à elle !
