Charal lance la discussion sur des sujets sociétaux comme l’alimentation, la consommation, la production décryptés des années 1970 à aujourd’hui.
Le 14 octobre dernier, l’agence FHCOM et Nutrikéo ont organisé la 5ème édition des rencontres MeatLab par Charal. Ces rendez-vous regroupent chaque année scientifiques et professionnels des tendances de consommation autour d’une table ronde animée par Grégory Dubourg.
La première édition a ouvert le débat sur la question du flexitarisme. Puis, la question du genre dans l’alimentation a été abordée, suivie de l’assiette connectée et du paradoxe des comportements alimentaires des Français au regard de la crise sanitaire. Enfin, cette année, nous nous sommes demandés si en matière d’alimentation, tout n’était pas mieux avant !
46 % des Français estiment que l’alimentation « c’était mieux avant »
L’étude Opinion Way/Charal le montre bien ! De manière transversale, les Français ont une vision plutôt pessimiste de la vie d’aujourd’hui comparée à celle des années 70. En effet, pour 3/4 des Français, la vie « c’était mieux avant » et c’est un sentiment partagé par toutes les générations.
Cette dégradation concerne la plupart des piliers qui constituent notre société, avec en axes majeurs :
- la sécurité/ le civisme (70 % des Français estiment que c’était mieux avant)
- l’éducation (59 %)
- la communication (57 %)
- Et l’environnement (55%).
Enfin, pour l’alimentation (46 %) et l’agriculture (46 %) le « mieux avant » l’emporte également sur le « c’est mieux maintenant ». On note par ailleurs des écarts intergénérationnels importants sur ces notions. Plus on vieillit, plus on va avoir une vision dégradée des différents piliers de notre société.
Si on s’intéresse plus spécifiquement à l’alimentation :
- 46 % des Français estiment que l’alimentation « c’était mieux avant », ce qui laisse une majorité de Français qui estime que ce n’est « ni mieux ni moins bien qu’avant », ou voire que l’alimentation est même « mieux maintenant » (19 %).
- Près de 2 Français sur 3 ont moins confiance dans leur alimentation aujourd’hui
- L’alimentation a perdu en naturalité/composition (36 %), son côté sain avec un aspect santé qui s’est dégradé (14 %), en confiance dans l’origine des produits (13 %) et en qualité (12 %).
- La moitié des Français estiment que le prix c’est dégradé, ainsi que l’ensemble des indicateurs du lien social autour du repas.
Quoi qu’il en soit : 83 % des Français accordent de l’importance à leur alimentation au quotidien : le goût (72 %), la qualité (68 %) et le plaisir (66 %) sont les principales préoccupations.
Les perceptions autour de l’agriculture sont également en dégradation, avec en bas du tableau l’environnement et l’humain, et la juste rémunération des éleveurs qui s’est dégradé à 61 %. Néanmoins, en matière d’alimentation et d’une manière plus générale d’ailleurs : non, tout n’était pas mieux avant. Dans nos assiettes, cela s’explique par différentes raisons.
Le « biais de positivité » de la mémoire : voir le passé de façon positive !
Le biais de positivité de notre mémoire nous conduit à nous souvenir préférentiellement d’évènements positifs, plutôt que d’évènements négatifs ou émotionnellement neutres.
C’est ce qu’explique Francis Eustache, spécialiste de la mémoire :
« Dans le quotidien, on va plutôt retenir les émotions négatives, car elles sont généralement perçues comme plus fortes en intensité. Par contre, lorsque l’on regarde vers le passé, on a plutôt tendance à fabriquer une narration positive. En somme, ça nous fait du bien de penser au passé comme un moment positif, ça nous aide à être battant pour l’avenir ».
Francis Eustache
Le biais de positivité se renforce avec l’âge ! Plus on avance dans le temps et plus on a tendance à voir notre monde et notre passé de façon positive.
On n’a jamais aussi bien mangé
L’offre produits et les pratiques alimentaires évoluent positivement pour répondre aux enjeux sociétaux propres à chaque période. Après la guerre, il s’agissait de se nourrir. Dans les années 80 de massifier. Et aujourd’hui de tendre vers plus de souveraineté alimentaire.
Pour Philippe Goetzmann, consultant en consommation,
« Les Français n’ont jamais eu accès à une offre aussi large et de qualité, à un prix abordable ».
En effet, les années 70 n’étaient pas du tout de ce niveau de qualité.
« Rappelons-nous la sûreté de notre alimentation. Le risque létal était 100 fois supérieur il y a 60 ans ».
Les metteurs en marché – agriculteurs, distributeurs, coopératives agricoles, industriels, etc. – ont beaucoup évolué dans leurs pratiques grâce à la connaissance, mais aussi grâce aux systèmes de notation comme Yuka, La Note globale, le Nutri-score.
Il y a un niveau d’efforts déployés dans la filière depuis une 10aine d’année tout à fait colossal pour améliorer les recettes, les compositions produits, réduire le nombre d’additifs, pour avoir de meilleure note et proposer de meilleurs produits.
Tous ces items convergent vers une amélioration évidente de notre alimentation !
En parallèle, les pratiques alimentaires ont beaucoup bougé et ne sont pas toujours des choix délibérés mais la conséquence de nos modes de vie :
- La cuisine qui était une tache ménagère est devenue un loisir. Au quotidien, on ne s’alimente plus de la même manière. L’alimentation s’est individualisée.
- En parallèle, le repas est en train de devenir de plus en plus fonctionnel. Cela va jusqu’à la poudre comme Feed avec un contenu nutritionnel.
Mais bonne nouvelle : il y a prise de conscience et volonté de réappropriation. On se réapproprie la cuisine et le repas sous l’angle du plaisir !
La production agricole et l’élevage se sont beaucoup améliorés
L’industrialisation est désormais remise en cause au profit d’une transition agroécologique où environnement, traçabilité, sécurité, qualité, éthique et bien-être animal sont au cœur de toutes les préoccupations.
Anne Charlotte Dockès, de l’Institut de l’élevage, est revenue sur deux types de transformations qui ont fondamentalement fait évoluer la production. D’abord, une révolution sociale, où l’agriculture était majoritaire, et est devenue minoritaire dans la société française.
Ensuite, une série de révolutions productives, techniques et économiques qui ont permis une augmentation rapide de la production et encore plus de la productivité du travail des agriculteurs
Si l’on parcourt l’histoire, l’agriculture s’est profondément transformée après la 2nd guerre mondiale.
- Il y a d’abord la révolution agricole des années 1960-1990 « A ce moment-là, l’intensification de la production agricole et de l’élevage : c’était vécu comme un progrès ! C’était également un moyen pour les agriculteurs et notamment les éleveurs de sortir de la misère ».
- Entre 1961 et 2018, on a à la fois des produits alimentaires moins chers mais aussi plus nombreux et plus diversifiés avec notamment plus de protéines animales, ce qui répond à une demande de la population. Pour y arriver, un faisceau d’innovations techniques a été mis en œuvre.
- Néanmoins, à partir de la fin des années 70 apparaissent les problèmes de surproduction, notamment dans la filière laitière.
- A partir des années 80, les citoyens et les politiques commencent à s’interroger sur les impacts négatifs de cette révolution agricole, c’est le début de la controverse sur l’agriculture et l’élevage : taux de nitrates dans les eaux, crise de la vache folle, la question des gaz à effet de serre… et des efforts entrepris sur ces sujets
- Depuis les années 2000, et surtout 2010 la question du bien-être animal prend de plus en plus d’importance pour les citoyens comme pour les éleveurs.
La transition agroécologique qui est en œuvre vise à proposer de nouveaux modèles, plus durables, satisfaisant aux attentes des citoyens et permettant aux éleveurs d’en vivre.
Pour résumer :
On peut affirmer qu’aujourd’hui l’image de l’alimentation et de l’agriculture en France continue de s’améliorer.
Demain, pour poursuivre ce chemin vertueux, toutes les actions des acteurs de la filière alimentaire – éleveurs, producteurs, transformateurs, distributeurs, restaurateurs et consommateurs – doivent converger vers une transition alimentaire. Ou comment l’évolution de notre modèle alimentaire tend vers plus de respects de la santé humaine, de notre planète et du bien-être des animaux ?