Mise à jour du 19/09/2023
Toopi Organics poursuit son développement avec succès : une levée de fonds de 16 millions d’euros a été finalisée en septembre de cette année. Celle-ci va financer le déploiement industriel et commercial de la start-up en France et en Belgique. Toopi Organics compte désormais 17 fonds à impact à son capital et lance, dans le même temps, la commercialisation de Lactopi Start, son biostimulant issu de la fermentation de l’urine humaine pour le remplacement partiel – jusqu’à 50 % – des engrais chimiques. Nous en parlions en avril dernier et, aujourd’hui, l’objectif affiché est de collecter et de transformer plus de 2 millions de litres d’urine en Europe en 2027. Un objectif qui permettra d’éviter de souiller plus de 24 millions de litres d’eau potable aux toilettes. Un objectif complété par le développement de trois nouveaux biostimulants urino-sourcés et la construction de deux usines de transformation, l’une en France, l’autre en Belgique.
Publication initiale du 07/04/2023
Elle est pensée comme une solution pour améliorer la gestion de l’eau et fertiliser naturellement les sols : l’utilisation de l’urine comme engrais est l’aboutissement de la recherche de Toopi Organics, une start-up qui collecte, transforme et valorise l’urine humaine en biosolutions agricoles. Source inépuisable, riche en azote, phosphore et potassium, le trio de tête des nutriments fertilisant pour les sols cultivés, l’urine est une ressource précieuse pour l’agriculture, dont plusieurs acteurs expérimentent avec succès le champ des possibles.
Mais pourquoi urine-t-on dans l’eau potable ?!
C’est la première question que pose Toopi Organics, start-up girondine créée en 2019. Et c’est un constat sans appel qui l’a menée à développer l’usage de l’urine comme engrais : parce que nous urinons dans l’eau potable, 6 000 milliards de litres sont souillés par 2 000 milliards de litres d’urine chaque année en Europe ! À l’heure où la sécheresse ne s’aborde plus comme une menace mais comme une implacable réalité, comme en témoigne le bilan officiel du Bureau des Recherches Géologiques et Minières (BRGM, mars 2023), il est aberrant de constater que 30 % de la consommation d’eau potable part directement dans les toilettes.
L’urine comme engrais, alternative aux intrants chimiques dans l’agriculture
Toopi Organics est parti d’un second constat : celui de la dépendance de l’agriculture française (et européenne) à l’importation des engrais. Un constat largement détaillé par le rapport d’information du Sénat, intitulé « Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique » , publié le 29 mars et qui précise, notamment, que « les importations d’engrais ont doublé en valeur en vingt ans, passant de 1 milliard d’euros à 2,4 milliards d’euros. » Parmi les solutions pour sortir de cette dépendance, l’utilisation de l’urine comme engrais est loin d’être négligeable.
Azote, potassium, phosphore : le meilleur de l’urine pour la terre
Ce sont les trois principaux nutriments nécessaires à la croissance des plantes et, donc, présents dans les engrais vendus sur le marché. Des engrais issus de l’atmosphère (pour l’azote) ou de mines, pour le potassium et le phosphore, soit pour ces derniers, issus de ressources non renouvelables.
Nous, les humains, absorbons ces trois nutriments via notre alimentation, puis nous les excrétons dans les toilettes pour un voyage vers une station d’épuration. Un gâchis de futur urinofertilisant que Toopi Organics résume dans cette infographie.
Collecter, traiter, valoriser l’urine
Depuis 2019, Toopi Organics a développé une filière aboutie de valorisation de l’urine humaine et créé une unité de production semi-industrielle en Gironde. Via l’installation d’urinoirs masculins, féminins ou unisexes dotés de cuves de récupération et sans eau, principalement dans des ERP de zones urbaines, l’entreprise collecte l’urine dans des cuves de récupération.
Direction l’unité de production, ensuite, pour le procédé de transformation, breveté. Celui-ci repose sur la fermentation de l’urine faisant intervenir des bactéries fermentaires d’intérêt agricole qui « consomment » les nutriments présents dans l’urine humaine.
Transformée et valorisée, l’urine humaine est ensuite à destination des agriculteurs sous forme de biostimulant à base de bactéries lactiques Lactobacillus paracasei, adapté à toutes les cultures. Leur promesse : solubiliser le phosphore retenu dans les sols et stimuler le développement des plantes et des racines.
L’urine comme engrais, à toutes les échelles
Uritrottoir
D’autres entreprises se sont positionnées sur la récupération de l’urine humaine pour en faire de l’engrais. C’est le cas, par exemple, de Faltazi, agence de design qui a créé l’uritrottoir. Un mobilier urbain installé dans plusieurs villes de France, dont Toulouse et Paris, dont le but est de lutter contre les « incivilités urinaires » (masculines) qui permet d’uriner à ciel ouvert sur une botte de paille insérée dans un contenant et qui se transforme en compost au bout d’un an. Celui-ci est ensuite utilisé dans les plantations municipales. Une moindre échelle, mais pas un moindre geste.
Ecosec
Du côté de l’entreprise montpellieraine Ecosec, la collecte d’urine humaine est doublée de celle des excréments. Appliquée aux particuliers dans un premier temps, la valorisation de l’urine comme engrais a été expérimentée avec succès sur la culture de la vigne dans l’Hérault.
Le programme de recherche Ocapi
Ocapi, c’est le Programme de recherche et action sur les systèmes alimentation/excrétion et la gestion des urines et matières fécales humaines. Un rapport complet a été publié en 2022 sur le projet Agrocapi, consacré à l’étude des filières de valorisation agricole des urinofertilisants. Dans ses éléments de contexte, le rapport souligne que « la séparation à la source des urines est une innovation prometteuse pour la transition énergétique et environnementale » et complète par une donnée chiffrée sans appel : « les excrétions des Franciliens pourraient couvrir les besoins en engrais de l’Ile-de-France. «
Le rapport expose également les différentes méthodes de valorisation de l’urine comme engrais en Europe : le lisain, ou urine stockée dans les écovillages suédois, l’urine nitrifiée concentrée en Suisse, l’urine alcalinisée déshydratée, développée par l’Université Suédoise des Sciences Agricoles…
L’urine comme engrais : pour aujourd’hui ou pour demain ?
L’urine comme engrais finira-t-elle par faire le poids sur le marché des engrais ? Face à l’urgence climatique et la baisse des ressources en eau, elle apparaît comme une réponse écologique et économique frappée du sceau du bon sens. Car il existe une logique au recyclage des déjections. Doit-on rappeler que, de tout temps, les déjections animales sont utilisées pour amender les sols ? C’est d’ailleurs un levier mentionné par le CNRS dans son étude pour permettre une agriculture biologique pour nourrir l’Europe en 2050 :
« Le dernier levier consisterait à rapprocher culture et élevage, souvent déconnectés et concentrés dans des régions ultra-spécialisées, pour un recyclage optimal des déjections animales.«
Le recyclage de l’urine humaine ne serait-il pas aussi une solution ?
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