La commercialisation de la viande cellulaire de poulet – i.e. cultivée en laboratoire – de deux entreprises vient d’être autorisée aux États-Unis. Cette autorisation marque un pas réglementaire supplémentaire pour cette innovation issue de la foodtech, bien que de nombreuses questions persistent. Les Etats-Unis sont le deuxième pays à approuver sa commercialisation après Singapour qui avait passé le pas dès 2020.
Feu vert pour la viande cellulaire de poulet, comme une suite logique
Ces dernières années, le développement de la viande cultivée en laboratoire s’est fortement accéléré. Cette année marque un tournant aux États-Unis. En novembre 2022, l’agence chargée de la sécurité alimentaire aux États-Unis – la Food and Drug Administration (FDA) – avait donné son feu vert en approuvant la sécurité sanitaire de la viande cellulaire de poulet.
Il y a deux semaines, l’USDA – United State Department of Agriculture – a inspecté et approuvé la conformité de l’étiquetage de ces produits. Et enfin le mercredi 21 juin 2023, l’USDA a franchi une dernière étape en autorisant la production et la commercialisation de viande cellulaire de poulet des entreprises américaines Upside Foods et Good Meat, deux pionnières dans le domaine.
Good Meat, la filiale du groupe Eat Just, a réagi à cette nouvelle en déclarant sur Twitter : « Cette approbation signifie que Good Meat est déclarée sûre à manger et à produire aux États-Unis, marquant un moment révolutionnaire pour la viande cellulaire ».
Dans un premier temps, cette viande cellulaire de poulet sera disponible uniquement dans certains restaurants. Cela pourra peut-être permettre d’ouvrir la voie à une meilleure compréhension de ces produits et de cette technologie, et à une plus large démocratisation.
La viande in vitro, une viande cultivée en laboratoire
Pour bien comprendre, reprenons les bases de la production de viande cellulaire cultivée en laboratoire :
- Prélèvement de cellules par biopsie sur un animal vivant. Les acteurs du milieu précisent que cette opération est indolore et sans souffrance pour l’animal.
- Mise en culture des cellules dans une cuve contenant un sérum nutritif tel que le FBS (sérum de veau fœtal) ou d’autres alternatives.
- Multiplication et différenciation des cellules dans un environnement aux paramètres contrôlés : température, humidité, nutriments, etc.
- Modelage du produit fini suivant différentes techniques telles que le moulage ou l’impression 3D, afin de donner à la viande cultivée sa forme finale.
Ces étapes permettent de produire de la viande, tout en limitant l’impact environnemental et la souffrance animale liés à l’élevage.
Un marché extrêmement mouvementé
Le développement du marché de la viande cultivée en laboratoire est assez instable. Il est dépendant de nombreux investissements ou actualités réglementaires.
Des levées de fonds massives s’opèrent depuis déjà quelques années :
- Upside Food a levé 145 millions de dollars en 2020 et 400 millions supplémentaires en 2022.
- Good Meat a levé 267 millions de dollars levés depuis sa création
McKinsey estime que le marché mondial de la viande cellulaire atteindra 20 milliards de dollars d’ici 2030. Mais ces estimations peuvent varier d’un facteur 10 selon les modèles. Ces différences s’expliquent par plusieurs facteurs :
- Le début du cycle de vie de cette industrie
- La dépendance à la science et à l’innovation technologique
- Les tendances de consommation
- L’évolution future de la réglementation.
La viande cellulaire de poulet bientôt dans toutes les assiettes ?
La viande cellulaire étant un nouvel aliment , il est difficile d’avoir du recul ou des points de comparaison avec une avancée alimentaire de cette ampleur.
Le premier facteur déterminant sera la réglementation, puisque chaque pays sera susceptible de faire ses propres choix à cet égard. Si Singapour et les États-Unis ont déjà franchi le cap, de nombreux autres pays comme l’Israël, les Pays-Bas ou la Chine ont également entamé leur réflexion sur la question. En Europe, l’introduction de la viande cellulaire de poulet dans nos assiettes prendra du temps. Elle devra en effet se conformer à la législation Novel Food, un processus à la fois long et contraignant. De plus, l’ancrage fort de notre culture gastronomique constitue un obstacle à son acceptation par les consommateurs.
Malgré tout, la viande cellulaire présente certains avantages notables. Dans les années à venir, elle pourra offrir un choix supplémentaire aux consommateurs. En limitant l’abattage des animaux, elle peut constituer une alternative pour répondre aux préoccupations en matière de bien-être animal.
Des interrogations subsistent toutefois quant à l’impact environnemental réel de ces produits, notamment en ce qui concerne la consommation d’énergie liée à cette technologie. La sécurité alimentaire pose aussi question car tout l’environnement du laboratoire doit être strictement contrôlé. Le moindre pathogène peut facilement contaminer les cellules animales.
Enfin, le prix constitue l’une des principales barrières à ce jour, bien que les investissements massifs soutenus par de nombreux acteurs influents permettront vraisemblablement de réduire progressivement les coûts de production.
L’autorisation de la commercialisation de la viande cellulaire de poulet aux États-Unis pourrait constituer un grand pas en avant pour le monde de la foodtech. Cependant, ces nouveaux aliments risquent d’avoir du mal à trouver leur place dans certaines régions du monde pour l’instant. Les innovations et les investissements massifs permettront de limiter certains inconvénients de cette technologie. Mais, comme souvent, c’est le consommateur qui aura le dernier mot.
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Un article rédigé avec Brice Poitau, assistant chef de projet. Merci à lui !
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